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LA CRéATION DES POMPIERS DE PARIS

Pfiou, ça fait un bail, dites-donc ... Entre les fêtes de fin d'année, les grippes saisonnières et autres moult activités annexes, on a manqué un paquet d'épisodes !


Alors pour reprendre en douceur, on va parler des Pompiers de Paris, ou, plus exactement, de leur création.




ET SOuDAIN, C'EST LE DRAME ...


Fin du XVIIe siècle, même si un corps des gardes pompes existe, sur la fin, il n'est plus guère vaillant ... Il faut dire que pas mal de fils de riches bourgeois s'y précipitent afin d'échapper aux guerres impériales, mais la motivation pour le boulot lui-même n'est pas vraiment là ... A tel point que certains finissent même par payer des hommes d'origines plus modestes afin qu'ils servent à leur place !


Autant dire que la discipline n'est plus vraiment là, d'autant que les officiers n'en n'ont pas grand chose à faire et sont aux abonnés absents ...


Et ce sont deux événements qui vont pousser Bonaparte à donner un grand coup de pied dans tout ça et à remettre les choses à plat. Premièrement, nous sommes début 1810, au palais de Saint-Cloud. Autant dire qu'il caille sévère et d'autant plus, que nous sommes au milieu de la nuit.



De pauvres grognards, frigorifiés dans leur poste de garde, décident donc de monter le poêle, histoire de se réchauffer un peu. Vous l'avez compris, "un peu" est un euphémisme, car ce vieux clou en tôle sera chargé à bloc, tant et si bien que le métal chauffe au rouge !


Evidemment, le feu se propage (par convection, c'est dire que ça chauffe dur !) à un fauteuil se trouvant à côté, puis au reste de la pièce et du mobilier ... C'est là que les soldats, qui étaient ressortis du poste entre temps pour assurer leur garde, se rendent compte de leur énorme boulette. Et c'est là que l'on voit la lourdeur de la chaîne : un grognard va prévenir l'officier de garde, qui lui, va transmettre l'info au concierge du château, lequel enfin va avertir le grand-maréchal du palais, Duroc !


Bref, il faudra un peu moins d'une heure à Duroc pour venir à bout du sinistre en organisant une noria de porteurs d'eau qui iront puiser de l'eau dans le bassin de la cour d'honneur pour l'amener jusqu'au lieu du sinistre.


Bien sûr, on ne réveille surtout pas l'Empereur pour ça ! On lui en parlera demain matin, APRES son café ! Après un petit remontage de bretelles de circonstance (mais bon, un accident, ça arrive), il fera mettre en place un service de garde de nuit avec patrouilles régulières dans l'enceinte du palais.


Malheureusement, ce ne sera pas un cas isolé puisque, le 1er juillet de la même année, un incident à l'ambassade d'Autriche, lors d'un bal organisé pour le mariage de l'Empereur et de Marie-Louise de Habsbourg, causera la mort d'environ 90 personnes. Officiellement, "personne n'a péri", mais des témoins déclareront avoir vu défiler bon nombre de convois funèbres après le sinistre. De nombreuses personnes sont brûlées, dont certaines garderont des séquelles à vie.


Bon, comme on dit, c'était couru d'avance quand on voit les circonstances du drame ... 1500 invités (mais 2000 personnes se pointeront), regroupés dans une grande salle construite pour l'occasion, reliée au bâtiment principal par une galerie. Plancher, murs, toit, charpente, tout est en bois avec des cloisons recouvertes de tentures, mousselines, etc. De plus, on avait recouvert les planches du toit de toile, cirée à l'extérieur, goudronnée à l'intérieur, le tout imbibé d'alcool pour que les peintures sèchent plus vite ... N'oublions pas les rideaux de soie et de mousseline accrochés aux fenêtres ! Et pour l'éclairage ?

Eh ben disons 74 lustres de bronze portant chacun 40 bougies, ça fera l'affaire ................!


Deux jours avant, le colonel Ledoux, chef du service des gardes pompes (les ancêtres de nos pompiers actuels, donc), est prévenu et vient faire un petit tour. Pour lui, pas de problème ! Il affecte uniquement 2 sous-officiers, 4 "pompiers" et 2 pompes à bras pour la protection incendie de la soirée. Tout ce petit monde et le matériel sont placés dans la cour d'une résidence proche afin de ne pas gêner les invités.


Sur ce, notre bon Ledoux, qui n'avait pas plus de conscience professionnelle que ça, se dit qu'il a bien bossé et se barre à la campagne pour le week-end, sans prendre la peine de demander l'autorisation au préfet de la Seine. Ben voyons, pourquoi s'embêter.

Et vers 22h30, les soucis commencent. Une fusée de feu d'artifice met le feu à un coin de la galerie. On fait venir les gars en catimini, et le début d'incendie est rapidement maîtrisé. Ouf ... Mais une heure plus tard, un coup de vent ramène les flammes des bougies de l'un des lustres vers un rideau de mousseline et proumf ! C'est parti. On essaie de décrocher la draperie, mais le feu s'est déjà propagé aux tissus du plafond, puis le long de la galerie et ça se propage à tout : guirlandes, tentures et le plafond lui-même s'enflamme, gorgé de produits inflammables. Deux minutes plus tard, la galerie est entièrement en flammes et l'incendie touche alors la salle de bal. Le feu se propage tout aussi vite dans la salle principale, touchant les cloisons, le toit, le plancher. Si l'Empereur est sorti une minute plus tôt, la plupart des invités, soit ne prend pas la menace au sérieux, soit n'a tout bonnement rien remarqué, dans le tumulte, la foule, la musique.

Mais ça ne dure pas et c'est soudain la débandade. Ceux qui tombent sont piétinés. Les lustres qui s'abattent défoncent le plancher. Seule la sortie principale, vers le jardin, est praticable. L'asphyxie commence à frapper également. Le vent n'arrange rien et l'incendie gagne encore en puissance. L'intégralité des installations est transformée en brasier.


Le millier d'invité restant encore dans cet enfer s'entasse devant la seule porte disponible. On chute, on piétine, c'est le désordre total. Certains auront un comportement héroïque, d'autres moins et en profiteront pour rafler tout ce qui a de la valeur ... Serviteurs, passants, commerçants du coin, tous viennent prêter main forte aux gardes pompes qui ne peuvent vraiment pas faire grand chose devant un sinistre d'une telle ampleur.



Le bilan sera lourd, mais l'événement sera minimisé par la presse, sans doute sous la pression venue d'en haut et le passage de la censure. On ne peut cacher la mort de la princesse Pauline de Schwarzenberg dont les funérailles ne passent pas inaperçues, mais ce sera le seul décès officiellement reconnu. Tout au plus, on parle d'une "bousculade lors d'un événement mondain" et que "l'on craint pour la vie de trois autres dames de la noblesse présente". Pourtant, bien qu'on ne connaisse encore pas aujourd'hui le véritable bilan de ce drame, on a des détails - que je vous épargnerai ici - concernant certaines victimes décédées sur place ou dans les jours qui suivirent, mais tout ceci sera passé sous silence à l'époque. Pourquoi ? Parce que l'événement était tout aussi politique que mondain et que l'alliance franco-autrichienne était toute fraîche. Mettre en avant la responsabilité du prince de Scwarzenberg, ça n'aurait pas été très constructif et ça n'aurait servi à rien, même si l'idée d'entasser 2000 personnes dans une salle en bois léger décorée de tout un tas de trucs tous plus inflammables les uns que les autres et d'éclairer tout ça avec environ 3000 bougies n'était certes pas une bonne idée ...


Les suites du drame, on les connaît. L'architecte de la salle fut incarcéré et fut discrédité à vie, une équipe de 30 personnes fut affectée au nettoyage des décombres et à la récupération des richesses disséminées sur les lieux (les robes et parures étaient couvertes de joyaux en tout genre) et la police se chargea des enquêtes destinées à retrouver les objets de valeur dérobés par les pillards.


Concernant la gestion même de l'incendie, L'Empereur mit le nez dedans personnellement et vira directement le fameux colonel Ledoux (la reprise du boulot le lundi matin a dû être mouvementée), un vieux bonhomme en service depuis 1767 ! Tous ses adjoints passèrent également à la trappe puisque, eux aussi étaient tout aussi incompétents et totalement désintéressés par leur travail. On notera aussi l'éjection pure et simple de l'ingénieur des gardes-pompes Audibert que ses hommes n'avaient pas vu depuis ... 3 ans ! Là on est plus dans le jemenfoutisme, on est bien, bien au-delà ! Celui-là sera carrément arrêté, mis en cellule et viré sans droit à pension. Et encore, je trouve qu'il s'en sort bien ...



Bref, il fallait mettre un sérieux coup de pied dans la fourmilière et c'est l'Empereur qui allait s'en charger.


RENDONS à CéSAR CE QuI EST à CéSAR, Ou PLuTÔT, à NAPOLéON ...


9 jours plus tard, Bonaparte crée la 3e compagnie du Génie de la Garde Impériale qui sera chargée de la protection des palais et résidences du big boss. Les Gardes Pompes, eux, seront chargés de celle de la ville (ils deviendront les sapeurs-pompiers par la suite).


Mais le temps que ça se mette en place, il faudra attendre le 1er janvier 1811 pour que tout ça soit effectif. Le premier patron de ce nouveau corps sera le général Kirgener de Planta. Il sera à la tête de 139 hommes qui seront tous "calibrés" à 1.75m ! Je suppose que ça permettait de standardiser l'équipement ...



Mais il leur faut une tenue à ces gars là ! On va donc extrapoler à partir de celle du Génie, les différences se situant pour ceux de la Vieille Garde et ceux de la Jeune Garde. Les premiers porteront un casque à cimier argenté avec une aigle sur foudres noires, tandis que les seconds porteront le shako (pour bosser pendant un incendie, c'est sûr que ce sera pratique).


Alors ok, le look c'est bien, mais l'équipement ? Eh bien cette compagnie sera armée de 8 pompes, chacune tirée par deux chevaux.




On a aussi une "boîte à outils roulante" qui elle aura besoin de quatre chevaux pour la tracter.


Le Bataillon des Sapeurs-Pompiers de Paris est né !


L'année suivante, on renforcera les effectifs avec l'arrivée de 3 compagnies formées à partir de la Jeune Garde.


LA THéORIE DE L'évOLuTION

Qui est une certitude, mais pour le titre de ce paragraphe, ça ne collait pas. Bref !


Donc, on le voit, de par ses origines, c'est bien un corps militaire, composé à la base, de détachements du Génie et de la Garde. Et il faut savoir que c'est bien le seul corps à ne pas avoir été dissous par Louis Croix Vé Bâton Bâton Bâton en 1815.


Encore aujourd'hui, la BSPP (eh oui, LA, car on parle désormais de Brigade et non plus de Bataillon) est sous l'autorité du préfet de la Seine, rattaché au ministère de l'Intérieur.


A noter la participation du bataillon à la guerre de 1870, à la première Guerre Mondiale et même à la seconde (après la création d'un bataillon de marche).


Mais aujourd'hui, la BSPP c'est environ 8 600 personnes, réparties sur 6 groupements, 71 centres de secours et sur 4 départements (soit 124 communes). Il faut savoir qu'il s'agit de l'unité de pompiers la plus importante en Europe et elle se classe troisième après celles de Tokyo (18 500 pompiers, mais pour 14 millions d'habitants) et New York (le célèbre FDNY regroupant 17 000 personnes pour 8.8 millions d'habitants).


Outre sa mission "normale" de pompier en région parisienne, il ne faut pas oublier que la Brigade opère également dans des conditions très particulières, comme par exemple, au Centre spatial guyanais de Kourou ou encore pour la DGA (Délégation Générale de l'Armement) dans le centre d'essais des Landes, dans le cadre des essais de tirs de missiles. Mais aussi à la BNF, au Louvre, au Musée d'Orsay, aux Invalides, à l'Assemblée Nationale, etc. Il y en a partout !


SAuvER Ou PéRIR

C'est leur devise, et ils la mettent tous les jours en pratique. Trop d'emphase, vous croyez ? Et si je vous donnais quelques chiffres pour étayer tout ça ?


Eh ben rien qu'en 2023, la Brigade a effectué plus de 495 000 interventions ! Contrairement à ce qu'on pourrait penser, cependant, ce ne sont pas les incendies qui représentent la plus grosse part de ce nombre (seulement 3%), mais les secours aux victimes (82%), chiffre en constante augmentation. Les accidents de circulation représentent, quant à eux, 5.2 % des départs.



Les 1900 sapeurs-pompiers de garde chaque jour sont intervenus sur 15 500 incendies, sur les lesquels ils ont sauvé 104 personnes et se sont rendus sur les lieux de 25 900 accidents de la route où 28 186 personnes en urgence absolue ont été traitées. Rien que depuis 1968, 34 sapeurs-pompiers ont donné leur vie dans l'exercice de leurs fonctions.

Ouais, ça calme ...


Voilà, c'était un petit brief pour le retour des Illustorys du vendredi ! Et quoi de mieux que de rendre hommage à cette célèbre entité (et à tous les autres pompiers en passant).


Maintenant que la machine est remise en route, il ne faut pas la laisser caler ! Alors je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour un nouveau sujet !







oDY -









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