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Chaos dans la mythologie grecque : Créer comme les dieux

  • Photo du rédacteur: Saba
    Saba
  • 11 août
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 15 août

Illustration du Chaos dans la mythologie grecque, œuvre originale de Redpaln, représentant une silhouette abstraite entourée d’énergie rouge et noire.
Chaos par Redpaln

Du brouillard des possibles se détache une forme encore sans consistance. Elle tisse son corps 

en se déliant de ceux à naître, qui restent amalgamés, « plein de tout, une matière entièrement mêlée », pour reprendre Hésiode.


Sur cette illustration, Chaos se montre comme une silhouette qui aurait pu être celle de n’importe qui, puisqu’il peut enfanter n’importe quoi. Il est gris, n’étant ni noir ni blanc, ni mauvais ni bon, mais les contenant et les enfantant. Il est indéfini, donc au potentiel infini. Pourtant, il possède la puissance de créer, c’est‑à‑dire de donner une forme.


Pour Hésiode, Chaos n’est pas une chose : il est une béance spatiale, l’espace où les autres peuvent exister ; un vide porteur d’existence qui ignore les antinomies, puisque seules les formes peuvent s’opposer et se contredire. Chaos n’a pas de forme, il a une puissance ; or toute chose possède une puissance au‑delà de sa forme. Faut‑il en conclure que ce qui nous définit n’est pas notre forme (corps, métier, goûts), mais notre puissance ?


LE CHAOS EST LA PUISSANCE SANS FORME


Nietzsche nous y entraîne : tout est volonté de puissance ! Par‑delà Bien et Mal (donc par‑delà la forme des choses) se révèle le mouvement de la volonté qui va vers la puissance (Wille zur Macht). La volonté est une direction et une énergie. Irrationnelle et infraconsciente, elle est une force impersonnelle (par infraconscient, nous entendons tout ce qui agit sans que la conscience ne le perçoive ou ne le décide : par exemple les paralysies sans lésion). 


Vers la puissance ? Sans entrer dans les détails, disons que la puissance s’accomplit en donnant forme, en créant. Ainsi, en l’humanité, en chaque homme, réside le même principe : extraire du chaos : des envies, des désirs, des idées, des élans, et leur donner forme par l’acte créateur.


CHAOS ==> PROTOGENOIS ==> TITANS ==> OLYMPIENS


On peut lire la mythologie grecque comme les étapes successives du processus même de création : Chaos engendre les Protogénoïs (étymologiquement les « premiers‑nés ») — Gaïa, Ouranos, Nyx, etc. —caractérisés par un anthropomorphisme minimal. Gaïa est la Terre, Ouranos le Ciel, Nyx la Nuit. Ces Protogénoïs ont une forme, mais encore grossière, peu définie : ils demeurent un amalgame. Nyx, par exemple, est à la fois le noir de la nuit et les étoiles qui y scintillent.


 Viennent ensuite les Titans, enfants des Protogénoïs : Cronos, Rhéa, Océan… Ceux‑là ont une personnalité, un mythe qui les raconte, une iconographie qui les incarne. Cronos possède le « conseil retors » : sa pensée est tournante, insaisissable, souvent menaçante pour l’ordre établi. On le représente armé d’une faucille de silex, barbu, accomplissant la castration de son père Ouranos ou dévorant ses enfants, futurs dieux olympiens. À Athènes et en Ionie (la partie égéenne de l’actuelle Turquie), on célèbre la Cronia en son honneur, où maîtres et esclaves échangent leurs rôles, comme aux saturnales romaines.


Enfin surgissent des Titans les Olympiens. Ils représentent un monde ordonné, civilisé, où le temps est maîtrisé et rythmé par les institutions politiques, religieuses et sociales, sous le signe de la loi, des arts, de la justice, etc. Athéna, par exemple, symbolise la cité, le savoir‑faire et la rationalité. Elle patronne Athènes et lui offre l’olivier, fondement de l’économie attique. On l’invoque pour la sagesse pratique et les conseils réfléchis. Le moment olympien est celui où l’humanité a donné forme à sa puissance : elle crée en maîtrisant la matière, le monde et, surtout, elle‑même.


 Que conclure ? Toute personne qui souhaite créer — illustration, musique, voiture, vie… — part de son chaos personnel, incertain mais chargé de puissance, qu’elle travaille par étapes successives jusqu’à donner une forme claire à cette puissance. Long et exigeant, ce chemin mène pourtant à la maîtrise de soi et à la liberté de façonner son monde.


Saba

 
 
 

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