Cette semaine, après un week-end prolongé à Londres, et vu que je n'ai pas trop le temps de rédiger un long article (nous sommes jeudi midi et je m'y mets à peine), je ne vais vous parler ni d'un personnage, ni d'un événement, mais d'un véhicule ... Eh oui, c'est une première. Je vais vous parler de la caravelle. Non, pas ce gracieux avion de ligne qui fit les beaux jours d'Air France et d'Air Inter jusqu'au début des années 2000, mais le navire qui symbolisa nombre d'expéditions des XVe et XVIe siècles.
Pourquoi il nous bassine avec son bateau ?
Il y a une raison ! Nous sommes encore en avril et Christophe Colomb reçut l'aval définitif pour son expédition en avril 1492 (même s'il n'appareilla qu'en août).
Donc la raison est relativement mince, mais ça me permet de choisir un sujet rapide à traiter avec des délais aussi serrés !
Bon alors attention, loin de moi l'idée de relancer ici la controverse sur les voyages de Colomb ou, du moins, leurs conséquences sur les peuples natifs du continent américain. Ici, on va parler de technique, de conception, de construction, de tenue à la mer, bref, de trucs de Capitaine Haddock en herbe.
Ca veut dire quoi "Caravelle" ?
Eh bien ça vient à la fois de "caramel" et de "velu". Non, c'est évidemment une ânerie, vous vous en doutez ... Disons que ... je vous mène en bateau. Hum.
En portugais, ça donne "caravela", ou "carabela" en espagnol. Ca vient du mot portugais "cáravo", lui-même dérivé du latin "carabus" (non, ce n'est pas un Pokemon).
Et "carabus", ça désignait une barque recouverte de peau utilisée au VIe siècle, et c'est tiré du même mot qui veut dire ... "crabe".
ET Du COuP, CA SE PRESENTE COMMENT ?
Boh, ça se présente bien ...
A partir du XIIe siècle, on utilise la caraque en Méditerranée (on la connaît aussi sous le nom de "nef") et, fondamentalement, caraque et caravelle se ressemblent : une coque ventrue à fond plat, 2 "châteaux" (à l'avant ET à l'arrière - ou à la proue et à la poupe) et les deux navires sont gréés avec à la fois des voiles carrées et triangulaires, sur plusieurs mâts. Notez d'ailleurs, que la flottille de Colomb se composait de 2 caravelles (la Pinta et la Niña et d'une caraque, son navire amiral, pour ainsi dire, la Santa Maria.
La caravelle est parfois plus longue que la caraque, mais d'un moindre tonnage (200 tonnes) et bénéficie d'un tirant d'eau plus haut. Et allez, le voilà qui nous sort encore un terme marinesque de derrière les fagots ! Alors le tirant d'eau, c'est la partie immergée de la coque, sous la ligne de flottaison. Un navire avec un fort tirant d'eau sera plus stable qu'un navire à fond plat, notamment grâce au poids représenté par la quille en position médiane.
Attention, le tirant d'eau est supérieur à la caraque, mais il demeure faible par rapport aux grands navires de ligne qui prendront la mer dans les siècles suivants.
La caravelle hérite des flancs élevés de la caraque ainsi que des ses châteaux massifs et hauts. Je vous ai rappelé ce qu'étaient les châteaux sur les bateaux ? Non ? J'en étais sûr. Les châteaux sont les parties surélevées à l'arrière et/ou à l'avant d'un navire. Pour vous situer un peu tout ça, c'est là qu'on trouve la grande roue du gouvernail, tout à l'arrière, par exemple. Généralement, le château arrière abrite aussi les quartiers du capitaine. C'est cette grande partie sculptée, décorée, abondamment vitrée et ... extrêmement vulnérable aux coups de canons ennemis ! Si un jour Redpaln fait une illustration sur la Bataille de Trafalgar, je vous parlerai de ce qui arriva au Bucentaure de l'Amiral De Villeneuve ...
Concernant le gréement, à savoir l'ensemble des mâts et voiles, comme je le disais plus haut, il bénéficie de voiles carrées et triangulaires. Les premières permettent de maximiser les effets d'un vent arrière, alors que les triangulaires (ou voiles latines), très mobiles, ont la capacité d'être efficaces par vents contraires. Les vergues (les barres perpendiculaires aux mâts où sont fixées les voiles) sont, elles aussi, mobiles et peuvent pivoter autour du mât, ce qui augmente la capacité à manœuvrer.
On a donc là des navires très mobiles et maniables.
La Caravelle est donc un navire assez polyvalent, adapté à la navigation en haute mer grâce aux hauts bords de sa coque, mais son tirant d'eau peu important et son fond plat lui permettent également l'exploration des côtes.
Notez que, contrairement à la caraque et au galion qui lui succédera, la caravelle n'est pas un vaisseau militaire, mais bien d'exploration. On y trouve donc très peu ou pas d'armement.
Exploration ok, mais qui donc ?
A part Colomb, d'autres grands navigateurs ont utilisé ce type de navire dans de grandes expéditions ou dans le cadre d'ouvertures de routes maritimes.
En 1487 et 88, Bartolomeu Diaz, un portugais, fut le premier à atteindre le sud de l'Afrique. Il dépassa le redouté Cap de Bonne Espérance, ce qui permit l'ouverture de la route de l'Océan Indien vers les Indes à son pays.
En 1492-93, Christophe Colomb, parti des Canaries, accostera à San Salvador aux Bahamas. Sa caraque, la Santa Maria, s'échouera sur l'île d'Hispaniola et le voyage de retour se fera à bord des 2 caravelles.
En 1498, Vasco de Gama, qu'on ne présente plus, fut effectivement le premier à atteindre l'Inde en passant le Cap de Bonne Espérance à bord de sa caravelle.
Enfin, en 1522, Cristovão de Mendonça, un autre explorateur portugais, longera les côtes australiennes de la Grande Jave avec sa flotille de 3 caravelles.
ET IL EN RESTE ?
Oui ! En 1992, pour célébrer le 500e anniversaire du voyage de Colomb, les 3 navires furent reproduits et sont exposés à Palos, en Andalousie, sur le "quai des Caravelles" (oui, du coup c'est logique).
On trouve aussi une reproduction de la caravelle Boa Esperança, construite en 1990 au Portugal.
DIS DONC, C'EST COuRT COMME ARTICLE, mon petit Ody !!
Je suis d'accord ! Je vous ai habitué(e)s à de longs discours bourrés de détails, mais ne vous inquiétez pas, je me rattraperai la semaine prochaine avec un sujet qui reste encore à déterminer. En attendant, que mes homologues "marinophiles" n'hésitent pas à cliquer sur l'illustration ci-dessous (ou celle en tête d'article), pour se procurer un tirage de cette magnifique caravelle par Redpaln. Illustration tirée, je le rappelle, de l'excellent ouvrage dédié aux templiers réalisé en collaboration avec l'historien Jean-Vincent Bacquart (ici !)
D'ici là, je vous souhaite une très bonne semaine !
Marineàvoilement vôtre,
Votre humble et dévoué serviteur,
- ODY
