top of page
  • Photo du rédacteurOdy

Moscou brûle-t-il ?

L'incendie qui a ravagé la ville lors de la campagne de Russie a été souvent mentionné, illustré, cité, etc.

Mais que s'est-il passé au juste ce 14 septembre 1812 ? Alors ? Quoi, vous ne savez pas ? Ah zut, je comptais sur vous pour m'en parler ... Bon ben je vais fouiller un peu et voir ce qu'on peut dénicher comme infos ...




Au commencement était ... la bataille de la Moskova


Ou bataille de Borodino. Cette bataille très connue, mettant face à face la Grande Armée, avec Napoléon à sa tête et l'armée impériale russe, dirigée par le maréchal Koutouzov, a eu lieu une petite semaine avant, le 7 septembre 1812, donc.


Borodino est un village situé à un peu plus de 120 bornes de Moscou. Alors c'est pas une petite escarmouche, hein, là on parle de 130 000 Français contre 138 000 Russes !


D'un côté, aux commandes, on a évidemment Napoléon Ier, mais aussi les maréchaux Davout, Ney, Beauharnais et Murat, rien que ça ... Côté Russe, Koutouzov, dont je vous parlais ci-dessus, mais aussi Bagration et Barclay de Tolly.


Je ne vais pas revenir sur le déroulé de la bataille en elle-même, mais sachez que, si c'est une victoire française, qui ouvre la voie vers Moscou à Bonaparte, elle est un peu beaucoup coûteuse en vies humaines : 30 000 morts côté français, 45 000 côté russe. Oui, ça fait beaucoup. Le reste des forces russes bat en retraite.



Au XIXe siècle, Franco-Russe c'était synonyme de bataille, au XXe, c'était synonyme de flan ... Tout change

Une retraite en bon ordre, certes, mais une fuite quand-même


Parce que oui, les Russes revendiquent eux-aussi la victoire à Borodino, aussi étrange que ça puisse paraître ! Pourquoi donc ? Eh bien, ma bonne dame, parce qu'on s'est retirés en bon ordre, vous comprenez, alors c'est pas une fuite, c'est une retraite stratégique, n'est-ce pas ... hum ... Mouais, ok, admettons (ou pas). Quoi qu'il en soit, non seulement l'armée Russe se retire du champ de bataille, mais aussi carrément au-delà de Moscou ! D'ailleurs, deux tiers des 270 000 habitants de la ville évacuent les lieux. Ceux qui restent pillent ou détruisent les derniers stocks de nourriture pour en priver les Français. Ce qui se révèlera payant, on le verra plus bas. Dans le tiers restant, on trouve aussi des commerçants étrangers, des invalides, des serviteurs ou certains irréductibles qui ne veulent pas quitter leur domicile. Notons la présence d'une nombreuse communauté française (qui se tiendra néanmoins à l'écart des troupes Napoléoniennes).


Ca devait être un peu comme se balader en ville pendant le confinement, 'voyez ?

Quand on arrive en ville ...


... les gens changent de trottoir, comme disait Balavoine. Et c'est effectivement ce qui se passe, en ce 14 septembre 1812 à 14h. Les Français ont le champ libre. Le restant de Moscovites évite les troupes de Bonaparte et aucune opposition ne vient entraver l'occupation de la ville.


Napoléon entre au Kremlin le lendemain, sans croiser un chat, un chien, ou tout autre quadrupède domestique d'ailleurs.

Vu que c'est du coup plutôt calme, notre Empereur envoie un courrier à Alexandre Ier en lui accordant un armistice. Pour lui, il a pris la capitale, donc, selon les règles de la guerre, le pays est à lui, sans équivoque.


Le Tsar temporise, renvoie des réponses évasives.


Les uniformes pouvaient être aussi colorés que les costumes de Starmania, mais la ressemblance s'arrête là

Allumer le feu


C'est tout de même le sujet de l'article, alors entrons dans le vif du sujet.


Le seul point sur lequel tout le monde est d'accord, c'est que la ville a cramé et que ça a commencé le jour même de l'arrivée des Français, le 14 septembre. Ca c'est acté, clair et définitif.


Là où on n'est pas d'accord c'est sur les causes. Voyons un peu ce qu'en disent les différents camps et les experts.


Selon les Français, carrément un millier d'incendies ont été allumés de manière simultanée dans de nombreux endroits de la ville. Les coupables ? Les troupes Russes, évidemment, par l'intermédiaire du gouverneur de la ville, Fédor Rostopchine ! On a même émis l'hypothèse que ce dernier avait libéré des forçats (comme on peut le voir dans les mémoires du Sergent Bourgogne) avec pour ordre d'incendier la ville. Aucune preuve n'est venue étayer ces dires, évidemment, d'autant qu'on a trouvé des documents indiquant que les prisonniers (au nombre de 700 environ) avaient été évacués en même temps que les habitants.


On a également avancé pour preuve que Rostopchine avait retiré les moyens de lutte anti-incendie. Peut-être, mais bon, quand une ville entière brûle pendant plusieurs jours et qu'elle ne compte qu'un tiers de ses habitants, pas sûr que ça aurait été particulièrement utile ...


Côté Russe, sans surprise, c'est l'occupant Français qui est à l'origine de tout ça.


Sans être chauvin, on peut douter de la version Russe puisque l'incendie, que les troupes Napoléoniennes ont tenté en vain d'éteindre, les prive des maisons qui leur auraient servi d'abris ! Et quand l'hiver approche, du côté de Moscou, eh ben il caille, j'aime autant vous le dire !


Cette version là est donc à prendre avec plusieurs jeux de longues pincettes car on voit mal Napoléon se tirer lui-même une balle dans le pied à ce point là.


Reste l'hypothèse de l'action non coordonnée. Certains Moscovites ont très bien pu mettre eux-mêmes le feu à leur propriété au moment de partir, plutôt que de la laisser tomber aux mains des Français. De plus, lors de l'évacuation, puis lors de l'arrivée de la Grande Armée, des pillages et le chaos général ont très bien pu allumer quelques foyers ici et là. Le souci c'est que, à l'époque, l'essentiel de la ville est construit en bois. C'est joli le bois, mais bon, ça brûle ... Quelques cas isolés ont facilement pu causer une réaction en chaîne incontrôlable (on l'a déjà vu, notamment à Rome entre le 18 et le 23 juillet 64).


Ellen Ripley vous expliquera sans doute que le feu, ça peut être utile dans certains cas très particuliers, mais pas ici

L'heure du bilan


L'incendie n'est finalement "maîtrisé" que le 20 septembre au soir ! Je vous laisse imaginer les dégâts. Ou plutôt non, je m'en vais vous les détailler ...


6496 maisons particulières ont disparu (sur un peu plus de 9150 !), les deux tiers construites en bois. 8250 commerces et entrepôts ont également été détruits, ainsi que 122 des 139 églises de la ville. Des bâtiments prestigieux, comme l'université d'Etat de Moscou, la bibliothèque du comte Boutourlin, les théâtres Petrovski et Arbatski ont été perdus, ainsi que de nombreuses œuvres d'art. Pour faire simple : 9/10e de la ville ont été rasés par les flammes.


Côté humain, on a retrouvé les corps de 12 000 victimes environ, dont 2 000 soldats Russes blessés.


En tout cas, le coupable, ce n'est pas Johnny, contre toute apparence

La mise à la retraite


A partir du 18 octobre, Napoléon, décide d'entamer la longue retraite de Russie. La ville est en ruines et les Russes n'ont toujours pas capitulé. Comme je le disais plus haut, le Tsar joue la montre. Il sait que les lignes d'approvisionnement de la Grande Armée sont quasiment inexistantes et que la plus proche base arrière se situe à 450 km environ ! L'hiver approche, rude, comme tous les hivers Moscovites, les soldats français n'ont plus d'abris et la nourriture ne tardera pas à manquer. Il sait que, inévitablement, Napoléon devra retirer ses troupes pour éviter la débâcle.


Le 23, sous les ordres de l'Empereur, le maréchal Mortier, nommé gouverneur de la ville le 14 septembre, abandonne le Kremlin après l'avoir détruit et se chargé d'évacuer les blessés et les malades.


Durant toute la fameuse "retraite de Russie", la Grande Armée sera continuellement harcelée par l'armée du Tsar, avec les conséquences terribles que l'on connaît (et sur lesquelles je reviendrai peut-être dans un autre article un de ces quatre).


C'était un peu plus glorieux que ça, la retraite de Russie !

Le temps du retour


Après le retrait Français, les habitants reviennent petit à petit, mais des dizaines de milliers d'entre eux sont sans-abris. Le manque de fonds retardera la reconstruction de 5 ans au moins.


En 1813, Alexandre Ier crée une Commission à la construction. En effet, la catastrophe est l'occasion d'établir un plan directeur en repartant de zéro. Ce n'est pas tous les jours qu'on peut revoir toute l'organisation d'une capitale depuis le début ! C'est à partir de 1817, avec un plan final établi par des architectes et topographes locaux, que la ville est rebâtie.


Bob le bricoleur avait un avis très tranché sur la question ...

on n'en saura pas plus !


Eh non ! Si tout le monde est d'accord sur le bilan humain et matériel, les causes sont toujours relativement floues, même si, je le répète, l'incendie volontaire déclenché par les Français est fort improbable.


Quoi qu'il en soit, cet événement a marqué les esprits au point que, un siècle plus tard, Léon Tolstoï en fit un des cadres de l'action de son œuvre la plus connue : Guerre et Paix.



On ne pourra pas dire que ce roman était guère épais

Pourquoi avoir choisi ce sujet aujourd'hui ? Parce que je trouve l'illustration de Redpaln percutante et dramatique et que ça fait partie de mes préférées de cette série sur le Premier Empire.


Je vous donne rendez-vous à la prochaine fois avec un nouveau sujet. Tiens, d'ailleurs j'ai retrouvé un gros article que j'avais écrit il y a une dizaine d'années sur la bataille de Trafalgar ... J'attends juste une illustration à propos pour pouvoir vous en faire profiter ! Je dis ça, je dis rien ...!


Incendieusement vôtre,


Votre humble et dévoué serviteur,






- oDY







bottom of page