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Jean-François de La Pérouse [l'Illustory du Vendredi]

Voilà un aventurier digne de films. marin du Roi, aussi bon en mer qu'au sol, explorateur, disparu mystérieusement, bref, tout ce qu'il faut pour faire un blockbuster (et une illustration qui le met en valeur) ! En avant pour un récit épique !


IL ARRIVE, Ô GRAND GALAUP !


Car c'est son nom, oui. Jean-François de Galaup, comte de La Pérouse. Notre intrépide marin est né près de la mer ... Euh non, en fait, pas du tout, il est né et a grandi à 4 kilomètres d'Albi, donc loin de toute étendue d'eau d'importance notable.

En ce beau mercredi d'août 1741, le 23 pour être précis (enfin on ne sait pas trop s'il est né le 22 ou le 23 en fait), Jean-François nait dans une riche famille albigeoise issue, des deux côtés, de la vieille noblesse française.

Notre petit Jeff (hum, réflexion faite, ce surnom est peut-être un peu trop familier) est l'aîné de 11 enfants dont voici la liste et la biographie (non, je plaisante).


LA MEEEER, QU'ON VOIT DANSER ...

Son enfance n'a rien d'exceptionnel et, après ses études secondaires (en latin) au collège de jésuites d'Albi, il entre, en octobre 1856 dans les Gardes de la Marine à Brest. Qu'est-ce que c'est donc, me demanderez vous ? Non ? Vous ne le demandez pas ? Eh ben c'est pas grave, je vais vous l'expliquer quand même. Un Garde-Marine, c'est un jeune gentilhomme formé pour devenir, à l'issue, officier de la Marine Royale. On peut attribuer la création de cette formation à ce cher Armand Jean du Plessis, plus simplement connu sous le nom de Cardinal de Richelieu. Sa réorganisation sera faite 50 ans plus tard par Colbert, et le fils de ce dernier, 10 ans plus tard, structurera cette organisation, ainsi que son programme (étalé sur une durée de 15 à 25 ans !). Ce service disparaîtra en 1786 et sera remplacé par un système de classes avec une entrée sanctionnée par un examen.


Quel rapport ? Eh ben c'est un Paris-Brest ... Y'a Brest dans le nom. C'est bon ça, les Paris-Brest ...

C'est donc dans ce cadre que JFP (c'est mieux que Jeff, non ?) navigue en tant qu'enseigne (c'est un grade de la marine, pas un panneau !) sur plusieurs vaisseaux avant d'entrer au service du chevalier de Ternay, à bord du Zéphir en 1757. Et le voilà donc, à seulement 17 ans, engagé dans plusieurs campagnes de la Guerre de Sept Ans, un peu la première des "guerres mondiales" de l'époque, chaque grande puissance coloniale lorgnant sur les territoires des autres.


Tout d'abord envoyé au Canada (Terre-Neuve, puis sur le Saint Laurent) et ensuite aux Antilles, La Pérouse s'illustrera notamment au siège de Louisbourg sur l'Île Royale (aujourd'hui Île du Cap-Breton, dans le Golfe du Saint Laurent). Les forces d'invasion Anglaises sont repoussées.


Embarqué sur le Formidable, un vaisseau de 2 ponts et 80 canons, La Pérouse connaît l'un des combats navals les plus intenses de sa carrière, la Bataille des Cardinaux (dans la baie de Quiberon, au sud de la Bretagne).

Le navire fait partie d'une flotte d'invasion de l'Angleterre aux ordres de l'Amiral de Conflans, à bord du magnifique Soleil Royal. Malheureusement, les Anglais, bien renseignés, prennent la flotte française en chasse peu après sa sortie du port, le 20 novembre 1759, et le combat s'engage en début d'après-midi.


Affecté à l'arrière-garde, le Formidable se retrouve à livrer combat contre 9 vaisseaux anglais et se débrouille pour venir en même temps à la rescousse du Héros, un autre bâtiment français en mauvaise posture.

Gouvernail brisé, mats arrachés, plusieurs centaines de morts, prêt à sombrer, son capitaine (Louis de Saint-André du Verger) tué, son pavillon est abaissé vers 16h (c'est de cette façon qu'on signifie une reddition dans la marine).


Voilà un navire encerclé ...

C'est une tôle pour la Marine Royale car, même si le rapport de force est à peu près équivalent, l'effet de surprise ne joue pas en sa faveur. Sur 21 navires français, 5 sont perdus et on compte environ 2500 morts. Les Anglais perdront 2 navires et environ 300 marins.


Jean-François est blessé à deux reprises et fait prisonnier. Il est toutefois rapidement libéré lors d'un échange de prisonniers.

Quant au Formidable, remorqué et réparé, il servira dans la Royal Navy sous le même nom, précédé du HMS (His/Her Majesty's Ship) jusqu'en 1768, où il sera démantelé.


En 1762, La Pérouse embarque sur le Robuste, un tout nouveau deux ponts de 74 canons armé en 1759 (et retiré en 1784 après 25 ans de bons et loyaux services) et s'en va détruire les pêcheries britanniques situées en Terre-Neuve.

L'année d'après, il participe au convoyage du récent vaisseau Les Six Corps. Pourquoi ce nom chelou ? En fait, sa construction fut financée par les Six Corps des marchands de Paris, une sorte de sponsor, quoi. Comme les catamarans Saupiquet, ou Groupama de nos jours ... Notez qu'en 1990 la marine Soviétique donna le nom de Severstal à son sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) TK-20 de classe Akula (Typhoon pour l'OTAN) parce qu'en partie sponsorisé par une entreprise métallurgique (située très loin de la mer) ... Imaginez si notre prochain porte-avions était baptisé Carrefour ou Groupe Bouygues ! La grande classe ...


ET SOUDAIN, LA PAIX ECLATA


Ok, l'année n'est pas la bonne, mais le sketch est excellent !

Promu enseigne de vaisseau en 1764, La Pérouse est affecté au transport maritime. Il navigue sur Saint Domingue, puis part pour une longue expédition maritime en Inde d'où il revient au bout de 5 ans ! Il est nommé lieutenant de vaisseau dès son retour, ainsi que chevalier de Saint-Louis (pour avoir protégé la ville de Mahé d'une attaque des Indiens - ceux de l'Inde, hein, pas les natifs américains). C'est également à ce moment-là qu'il entre dans la franc-maçonnerie à la loge de Brest.


ll repartira dans les Indes Orientales (ce qui correspond aujourd'hui à la région comprise entre l'Inde et l'Asie du Sud-Est) au commandement du navire La Seine. C'est à l'Île Maurice (alors appelée Isle de France), qu'il rencontre Eléonore Broudou, fille d'un armateur nantais, qui deviendra son épouse quelques années plus tard. Il naviguera ainsi pendant les 14 ans de paix et acquerra une grande expérience de la navigation en Atlantique et dans l'Océan Indien.


ATTENTION, GRENADE !


Voilà, comment on prend la grenade de nos jours

Mais comme l'Angleterre et la France ne savaient pas rester copains très longtemps à l'époque, nous revoilà partis à nous friter un peu partout ... Et quel meilleur prétexte que la Guerre d'Indépendance Américaine (1778-1783) ? Au commandement de la frégate l'Amazone, La Pérouse participe à la prise de l'île de la Grenade, dans les Antilles, dirigée par le comte d'Estaing en juillet 1779. C'est une victoire sur la flotte du célèbre Lord Byron et la perte, pour les Anglais de la plus grande île des Grenadines.


Ce sera au commandement de la frégate L'Astrée, après sa promotion au grade de capitaine de vaisseau (à 39 ans), que La Pérouse, en compagnie de l'Hermione commandée par Latouche-Tréville (autre grand nom de notre tradition navale) tombe, dans la baie d'Hudson, sur une petit convoi de 6 navires anglais. Il s'empare de la frégate Ariel et d'un autre navire et met les autres en fuite.


Il assurera ensuite une escorte de convoi, puis participera en 1782 à l'attaque de Saint Christophe (ou Saint Kitts), menée par l'amiral De Grasse contre la flotte du célèbre amiral Hood. Malgré de brillantes tactiques, Hood ne parviendra pas à éviter la prise de l'île par les Français.


Les combats du 9 au 12 avril de la même année au large des îles des Saintes, contre l'amiral Rodney sont une défaite cuisante pour les Français, mais La Pérouse parvient à rejoindre Haïti d'où il repart le 31 mai au commandement du vaisseau Le Sceptre, accompagné des frégates L'Astrée et L'Engageante. Il embarque notamment 250 soldats, 40 artilleurs, 4 canons et des mortiers. Sa destination : la baie d'Hudson. Avec sa petite force d'assaut, il prendra le Fort Prince of Wales le 9 août et saisira ses stocks de vivres et de fourrure, acceptant la reddition de ses occupants, puis rebelote sur York Factory, 15 jours plus tard.

La Pérouse ne perd pas un seul homme et sera exemplaire dans le traitement de ses prisonniers.


Il commence à se faire une très bonne réputation dans les hautes sphères de la Marine Royale, qui reconnaissent ses très grandes qualités de navigateur dans des régions pas super sympa niveau météo !


ET SOUDAIN, LA PAIX ECLATA ... DERECHEF.


La fin de la Guerre d'Indépendance Américaine et le traité de Paris en 1783 marquent une nouvelle (et brève) période de paix.


Il fallait en profiter et Jean-François et Eléonore se dirent "oui" à l'Eglise Sainte-Marguerite de Paris la même année, malgré des réticences du vieux papa de La Pérouse, qui voyait d'un mauvais œil que le fiston épouse une roturière.


Le jeune couple s'installe à Albi, dans une maison de la rue de l'Ecole Mage.


ON PREND LA PEROUSE ?


Non Patrick, c'était une blague

Oui, cette vanne est facile, mais j'étais en manque de transitions pour aborder ce pourquoi La Pérouse est le plus connu, à savoir, son expédition dans le Pacifique, expédition qui conduira à sa disparition mystérieuse et à plusieurs entreprises lancées pour le retrouver.


Déjà, il faut savoir à qui on doit cette expédition et en quoi elle consistait à la base. C'est tout simplement notre bon Roi Louis Croix Vé Bâton qui lui donnera l'impulsion. L'idée étant d'effectuer une expédition dite "de découverte" dans le Pacifique, et plus si affinités, à savoir, pourquoi pas, une fois qu'on est lancés, une petite circumnavigation ? Oui oui, un tour du monde, carrément. Mais oui, ma foi, c'est tellement simple ...


Tout ça parce que James Cook, encore un vilain Anglais, avait trouvé plein de choses sympa lors de ses propres expéditions dans ce grand océan (genre l'Australie, la Nouvelle Calédonie, les Îles Sandwich, etc). Il a aussi été le premier navigateur à faire le tour de l'Antarctique, à cartographier Terre-Neuve et la Nouvelle Zélande, bref, à faire plein de choses ultra-classes qui font avancer la science et les connaissances humaines.


Donc, Louis est jaloux. Il lui faut un explorateur à voiles, un vrai, un qui sait manœuvrer par tout temps. Louis et son Ministre de la Marine, Monsieur le marquis de Castries, se creusent donc la tête et le nom de Jean-François de la Pérouse est finalement choisi pour son expérience.


Les objectifs concrets de cette expédition : rectifier et achever la cartographie de la planète, établir de nouveaux comptoirs et bases, ouvrir de nouvelles routes maritimes, effectuer des prospections (chasse à la baleine, collecte de fourrures) et, évidemment, augmenter les connaissances scientifiques de son temps.


Grosso modo, l'Académie des Sciences constitue une sorte de catalogue des études à mener et il est assez velu : calcul des longitudes, observation du phénomène des marées, étude des vents, des courants, des météores, des aurores boréales, faune et flore (terrestres et marines), civilisations (culture, religions, etc), relief, cartographie, etc, etc, et tout ça sur l'ensemble du Pacifique (nord et sud), côtes d'Extrême-Orient, côtes de l'Australie, ...


Louis XVI après avoir posé ses exigences concernant l'expédition

C'est ambitieux et il faut se donner les moyens d'arriver au bout. D'où le choix de La Pérouse pour la partie navigation. Mais il faut aussi des experts scientifiques. On demanda alors aux savants sur quels sujets il fallait mettre l'accent. Parmi ceux-ci, plusieurs firent leurs bagages pour s'embarquer avec notre intrépide marin.


Pour tout ça, il faut une équipe de choc. Et là, comme Jason à l'époque, avec sa tripotée de héros vaillants et tous dotés d'une particularité exceptionnelle, Jean-François réunit sa dream team. On y trouve un astronome, un médecin, 3 naturalistes, un mathématicien, 3 dessinateurs, des physiciens, un interprète, un horloger, un météorologue et aussi des prêtres ayant des formations scientifiques.


Pour le seconder (oui, puisqu'on utilisera 2 navires, La Pérouse choisit Paul Antoine Marie Fleuriot, Vicomte de Langle (plus communément appelé Fleuriot de Langle) pour commander l'Astrolabe. C'est un Breton, un vrai, issu d'une famille de marins et dont la tradition se perpétuera par la suite. Son parcours est sensiblement le même que celui de Jean-François et ils ont approximativement le même âge.


Pour ce qui est du matériel, la paix va être utile, puisque La Pérouse envoie son ingénieur en chef, Paul Monneron, à Londres avec une liste de courses. Il doit notamment acheter des instruments scientifiques selon la liste fournie par l'hydrographe Charles-Pierre Claret, deux tout nouveaux sextants, il se renseigne sur les remèdes antiscorbutiques (selon les conclusions de Cook), bref, tout est préparé minutieusement.


SI J'AVAIS UN BATEAU ...


Alors ok, l'équipage (220 personnes en tout) et le matos c'est bon. Maintenant, ça serait bien qu'on ait des bateaux !


On décide d'utiliser deux gabares maritimes. Celles-ci ont un déplacement de 500 tonneaux environ. Une gabare étant un navire (fluvial ou maritime, avec les différences correspondantes au milieu dans lequel il évolue) destiné au transport de marchandise. Pour l'expédition, on requalifie ces bateaux en frégates (qui ont pourtant des différences notables, tant en déplacement qu'en armement. Citons par exemple la fameuse Hermione, frégate contemporaine de La Pérouse qui déplace le double (1166 tonneaux) et qui emporte 26 canons de 12 livres et 8 de 6 livres.


Mais ici, on part à la découverte de terres inconnues, le but n'est pas d'aller tâter de l'Anglais qui, pour l'instant, est un ami, donc pas besoin d'une puissance de feu conséquente.


Par contre, ce qu'il va falloir changer, c'est le nom des bateaux ... Oui parce que les fameuses gabares qu'on est en train de charger, eh bien leur nom original c'est Le Portefaix et l'Autruche ... Notez : un portefaix, c'est un peu le docker d'aujourd'hui.


Y'a pas à dire, ça aurait fait une belle figure de proue ...

Finalement, ce sera La Boussole et l'Astrolabe, ce qui sonne un peu plus "expédition".

Vous savez tous ce que c'est qu'une boussole, mais je pense qu'il serait de bon ton d'expliquer le terme "astrolabe". Non, ce n'est pas le vaisseau du Capitaine Flam (qui se nommait Cyberlabe), c'est une invention des Grecs (aux alentours de 400 avant notre ère). Son nom signifie "preneur d'astres" et il s'agit d'un instrument astronomique d'observation et de calcul analogique. Il permet par exemple de mesurer la hauteur des étoiles sur l'horizon (dont le Soleil, ce qui permet de déterminer l'heure de l'observation et la direction de l'astre). Il fait plein d'autres choses, mais l'instrument utilisé par les navigateurs, l'astrolabe nautique, qui est mis au point par les portugais au XVème siècle est simplifié puisque uniquement destiné à mesurer la hauteur du Soleil à midi et ainsi déterminer la latitude après calcul. Il sera remplacé par le sextant par la suite.


AU REVOIR ET ADIEU, JOLIES FILLES MADRILENES ...

(je vous laisse trouver la référence !)


Alors, ça y est ? On est bons ? Faisons une petite check-list avant le décollage (enfin, l'appareillage).


Equipage ? Check

Scientifiques ? Check

Matériel ? Check

Itinéraire ? Check

Bateaux ? Check

Capitaines ? Check

Prague ? Tchèque ...


Alors Go !

Oui, il a dû commencer par ça chaque matin pour assurer, notre Jeff

Le 1er août, La Boussole et L'Astrolabe appareillent de Brest en direction de Madère. Bon, ça commence pas terrible car les bateaux se traînent comme des veaux et ont le pif dans l'eau parce que mal chargés et trop lourds à l'avant. Ce n'est pas très grave et on rectifie ça assez vite. Vient ensuite Ténérife (eh oui, pour pouvoir explorer le Pacifique, quand on part de Bretagne, il y a déjà une sacrée trotte pour rejoindre la zone !).


Arrivés à Ténérife, ils débarquent l'un des astronomes, malade ... et embarquent du vin ! Faut pas se laisser aller.


Puis c'est la traversée de l'Atlantique jusqu'à l'île de la Trinité où ils débarquent le 18 octobre. Ils y font quelques relevés géologiques puis essuient une forte tempête le 25, avec de beaux feux de Saint-Elme au faîte des mâts. Le 9 novembre, ils atteignent l'île de Sainte-Catherine et traversent le détroit de la Terre de Feu et, en janvier, ils passent le Cap Horn sans difficulté.


Voilà, merci Tintin pour cette explication

Ouf ! Ca y est, le Pacifique est atteint ! 6 mois, rien que pour arriver sur zone !


L'expédition s'arrête ensuite au Chili, à La Conception pour être exact, une colonie Espagnole. Ils y restent de fin février jusqu'à la mi-mars et en profiteront pour étudier la vie des colons. Le séjour se terminera par un grand repas, bal, feu d'artifice, lâcher de montgolfières, le tout pour 150 convives.


Le 10 avril, c'est l'Île de Pâques, où l'on étudie les fameux moaï, des tombeaux, des maisons, la faune aviaire, etc.


Visiblement, ils n'étaient pas très impressionnés de voir débarquer nos marins

Le 18 mai, escale dans les Îles Sandwich (Hawaï aujourd'hui) et notamment à Maui, où ils font le plein de fruits et cochons qu'ils échangent contre du fer avec les locaux.


Changement de climat puisque l'expédition prend désormais le cap du nord, direction l'Alaska.


Du 23 juin au 30 juillet, ils explorent la côte, établissent un observatoire sur une île inhabitée dans un fjord abrité où mouillent les deux navires. En échange de drap rouge, d'outils et de fer en barres, le chef de la tribu des Tingits donne l'île aux Français. Au final, ce sont les natifs qui en sortent gagnants, parce qu'au final, ce bout de terre ne présente aucun intérêt particulier et La Pérouse recommandera de NE PAS installer quoi que ce soit là-dessus.


C'est ici que sont recensées les premières pertes humaines. Deux canots avec 21 hommes à bord sont pris dans les courants violents du fjord et sont perdus corps et biens. Un monument sera érigé sur l'île à la mémoire des disparus. Un document enfermé dans une bouteille sera enterrée à son pied.


HOTEL CALIFORNIA


Après cet épisode fraîchouille et endeuillé par la perte des 21 membres d'équipage, La Pérouse débarque à Monterey, Californie pour 10 jours. Il est ébahi par la fertilité des sols, la richesse en gibier, poissons et baleines. Nos explorateurs prendront le temps de sympathiser avec les "indiens" (des membres de la tribu des Ohlones) et noteront leur habilité au pistage et à la chasse à l'arc.

Devant la difficulté des femmes natives à moudre le blé avec un cylindre roulé sur une pierre, le vicomte de Langle leur fera cadeau de son moulin, réalisé quelques semaines plus tôt selon ses plans par le charpentier du bord. La Pérouse sera par contre très critique quant au traitement des natifs par les missionnaires franciscains.


Et c'est reparti ! Et le 14 décembre, l'expédition est en vue des Îles Mariannes, mais l'approche de la côte étant hasardeux, elle continue directement vers la Chine.


LES TRIBULATIONS D'UN ALBIGEOIS EN CHINE


Du 3 janvier au 5 février, c'est relâche à Macao, avec sa vie la nuit, ses casinos, etc. Non, évidemment à l'époque, cette colonie Portugaise n'a pas du tout la même ambiance. L'un des naturalistes est débarqué avec pour charge de rapatrier les mémoires de cette première partie de l'expédition. C'est ce qui lui sauvera la vie, d'ailleurs, contrairement à son remplaçant, le chevalier du Pac de Bellegarde, qui embarque à sa place à bord de l'Astrolabe.


Mais une petite pause s'impose et, de fin février à mi-avril, à Cavite, dans les Philippines (alors Espagnoles), on s'attache à réparer et entretenir les frégates. Il faut également refaire le calfatage des coques.


Allez hop, de nouveau une petite digression pour expliquer tout ça ! Même pas peur ! Le calfatage, c'est le fait de boucher tous les petits interstices d'une coque de bateau. A l'époque, on utilise du goudron, qui étanchéifie pas mal. On fait ça AVANT de mettre un bateau neuf à l'eau ! Mais, évidemment, avec le temps, il faut le refaire. D'où la complexité de la manœuvre. On débarque tout ce qu'il y a dans le bateau avec les canots, on le tire sur le sable et on l'incline lentement sur le côté en l'assurant avec des cordages préalablement amarrés. Ensuite, après avoir râclé la coque et l'avoir nettoyée des bernacles et autres passagers clandestins molluscoïdes (non, ce terme n'existe pas), on fait fondre du goudron et on l'applique sur toute la partie exposée du ventre du navire. Une fois sec, on bascule ce dernier sur l'autre flanc et on recommence ! Oui, c'est long et fastidieux et long et fastidieux (oui, il y a 2 côtés).


J'ai cherché des photos du XVIIIe siècle, mais bizarrement, on n'en trouve pas . En tout cas, voici une gravure sérieuse qui vous montre la galère que c"était

Pendant ce temps, nos braves marins construisent 2 canots et les naturalistes et géographes se mettent à l'œuvre dans le coin. Le lieutenant de vaisseau d'Aigremont, l'un des officiers de l'Astrolabe, décède malheureusement suite à une dysenterie contractée à Macao.


Comme en Californie, La Pérouse, lors d'une visite à Manille en compagnie de Langle, fait preuve d'une grande bienveillance et d'ouverture à l'encontre des locaux. Par contre, il ne mâche pas ses mots à l'encontre des colons espagnols et de leur attitude envers les gens du coin. Inquisiteurs, moines, gouverneur, tout le monde en prend pour son grade.


Les navires sont remis à neuf, il est temps de repartir et, faisant route vers le nord-est, ils arrivent dans les parages de la Corée et effectuent de nombreuses observations et rencontrent plusieurs bateaux ou pirogues, y compris un navire Japonais (alors totalement replié sur lui-même lors de la période Edo / Tokugawa, isolement qui ne prendra totalement fin qu'en 1868).


Cette route les amène mi-mai en Tartarie, aujourd'hui Mandchourie, une région du nord-est de la Chine. Si les botanistes et géologues sont déçus (bah oui, tout ressemble fortement à ce qu'on a chez nous), La Pérouse et ses explorateurs multiplient les rencontres enrichissantes avec les autochtones et cartographient minutieusement l'endroit et remontent jusqu'à l'île de Sakhaline, au large de la Sibérie. Bloqués par les dépôts alluviaux de l'Amour (le fleuve, n'est-ce pas. N'allez pas voir ici une allusion déplacée !), ils sont forcés de rebrousser chemin.


Ils quittent donc la région début août, cap au sud, pour cette troisième (et dernière) année de voyage.


Le 15, après avoir contourné Sakhaline par le sud, ils débarquent sur Hokkaido pour demander leur chemin auprès des habitants, puis remontent vers le nord, en direction du Kamtchatka, qu'ils atteignent en septembre. Ce n'est pas la période de l'année la plus pourrie niveau météo, puisque les moyennes tournent autour de 15°. Par contre, ça peut tomber très vite en hiver !


Passant par les Îles Kouriles, ils font relâche dans le port ce qu'on nomme aujourd'hui Petropavlovsk. C'est ici que Barthélémy de Lesseps (dont le neveu Ferdinand creusera une petite tranchée qu'on connaît bien du côté de l'Egypte ...), quitte l'expédition, chargé de dessins, d'études et de spécimens et entreprend de rentrer en France par la terre ... Il mettra 1 an !

L'humeur de de Lesseps quand il a réalisé le chemin à parcourir pour arriver en France

PACIFIQUE QUE CA !


Toutes voiles dehors, plein sud ! Et le 21 novembre, les voilà de nouveau à l'équateur (la ligne, pas le pays d'Amérique du Sud) !


Ils relâchent aux Samoa début décembre, mais, si les relations avec les autochtones des différents endroits visités avaient été parfaitement cordiales jusque-là, ça ne se passera pas aussi bien ici. Même si, parmi les habitants des nombreux villages, certains sont tout à fait sympathiques et partagent leur culture, d'autres voient d'un mauvais œil cette arrivée intempestive de marins étrangers et leur font bien savoir.

L'accueil était plutôt mitigé dans les Samoa

Après l'agression d'un matelot pendant un échange, ce sont le chirurgien Rollin et l'ingénieur Monneron qui sont visés par des jets de pierres. De plus, il va falloir déloger des squatters qui s'installent sur le pont de la Boussole ! Carrément, ouais.


Le lendemain de ces échauffourées, 4 canots, armés par 68 marins dotés de sabres, fusils et pierriers (des sortes de tout petits canons de marine), débarquent pour un dernier ravitaillement en eau douce.


C'est là que les Samoans (venus de l'île de Tutuila), après une altercation avec les marins, lancent une attaque qui tuera 11 hommes, dont le numéro 2 de l'expédition, Fleuriot de Langle, fera 20 blessés et verra deux des chaloupes vidées de leur contenu. De Langle avait initialement refusé de tirer sur les autochtones, conformément aux ordres du Roi qui avait bien insisté sur le caractère pacifique de cette mission. Mal lui en prit puisque le pauvre homme fut achevé à coups de massue.

La Pérouse fit donner du canon pour effrayer l'ennemi, mais refusa que l'on aille au-delà du coup de semonce. Ce drame marqua considérablement les équipages et leur approche des habitants de l'île voisine d'Oyolava se fera avec prudence et méfiance. On le serait à moins ! On peut ajouter à cette période pas terrible, un premier décès lié au scorbut.

Ils longent Vavao, puis Norfolk (pas la base de sous-marins nucléaires en Virginie, mais celle du Pacifique Sud-Est) et atteignent Botany Bay en Australie, le 26 janvier 1788.


Faut pas croire que ce sera fun, puisqu'il s'agit à l'origine d'une colonie pénitentiaire Anglaise. La Pérouse et ses navires y sont bien accueillis, mais, malheureusement, les britanniques ne peuvent leur fournir de vivres supplémentaires car ils sont déjà eux-mêmes un peu ric-rac.


Notre cher capitaine leur confie ses journaux et ses lettres pour qu'ils parviennent en Europe, récupère du bois et de l'eau douce et repart mi-mars vers Vavao (pour se ravitailler en vivres) et décrit en ces termes son programme, prévu pour le ramener en France début 88.


Oui, un petit portrait sérieux de temps en temps, ça ne fait pas de mal.

"Je remonterai aux îles des Amis, et je ferai absolument tout ce qui m'est enjoint par mes instructions relativement à la partie méridionale de la Nouvelle-Calédonie, à l'île Santa-Cruz de Mendana, à la côte sud de la terre des Arsacides de Surville, et à la terre de la Louisiade de Bougainville, en cherchant à connaître si cette dernière fait partie de la Nouvelle-Guinée, ou si elle en est séparée. Je passerai, à la fin de juillet 1788, entre la Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Hollande, par un autre canal que celui de l'Endeavour, si toutefois il en existe un. Je visiterai, pendant le mois de septembre et une partie d'octobre, le Golfe de Carpentarie et toute la côte occidentale de la Nouvelle-Hollande jusqu'à la terre de Diemen, mais de manière cependant qu'il me soit possible de remonter au nord assez tôt pour arriver au commencement de décembre 1788 à l'île de France."


Ils ne donneront plus aucune nouvelle.


EN MODE "LE SECRET DE LA LICORNE"


En 1791, une opération de secours, sous les ordres du contre-amiral d'Entrecastaux, est dépêchée dans le Pacifique. Malheureusement, après 2 ans de voyage, La Recherche et L'Espérance, ses deux navires, rentrent bredouille.

D'Entrecasteaux et son second en train de scruter l'horizon

Il faudra attendre 1826-1827 pour qu'un marchand du nom de Peter Dillon découvre le site du naufrage, à Vanikoro, dans les actuelles îles Salomon.

Des habitants, il apprend que 2 navires auraient été pris dans une tempête, que l'un aurait coulé et que l'autre se serait échoué. Toujours selon les locaux, les survivants se seraient installés sur l'île. Une partie d'entre eux serait repartie, sur un bateau fabriqué avec les restes de la frégate échouée. On n'a aucune piste quant à leur devenir.

Les autres se seraient installés définitivement, un peu façon révoltés du Bounty, mais involontaires, et auraient pris part aux affrontements entre tribus. On expliquera à Dillon que le dernier survivant (nous sommes 38 ans après le naufrage !) serait mort peu avant son arrivée. C'est quand même pas de bol.

J'espère sincèrement que leur bateau de fortune inspirait un peu plus confiance ...

Suite à ces découvertes, le marin français Jules Dumont d'Urville montera une expédition au commandement de la corvette l'Astrolabe (renommée spécialement pour l'occasion). Celle-ci durera 35 mois. Après avoir recueilli nombre de témoignages, il fera élever un monument à la mémoire de ses confrères (cette expédition aura également le mérite d'avoir contribué, par la même occasion à l'augmentation des connaissances humaines de la région).


Une autre expédition retrouvera des ancres et des canons, que l'on peut observer aujourd'hui au pied du monument dédié à La Pérouse à Albi.


Il faudra attendre les années 1960 pour que le célèbre Haroun Tazieff, après avoir discuté avec un homme du coin, retrouve des restes de marins français sous un tumulus.


2 ans plus tard, on repère dans le corail plusieurs formes d'ancres et de canons.

En 1964, des pierriers ainsi qu'une poulie de bronze sont remontés.


Enfin, la même année, l'historien et amiral français Maurice-Raymond de Brossard, chef du Service historique de la Marine à l'époque (SHM), monte à son tour une mission et retrouve de nombreux objets, dont une cloche que l'on pense appartenir à La Boussole.


Une anecdote invérifiable voudrait que Louis XVI, peu avant son exécution, aurait demandé "A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ?"


Jules Verne, près d'un siècle après le naufrage, mentionnera l'expédition et son sort funeste dans Vingt Mille Lieues Sous Les Mers.


FIN DE NOS AVENTURES ULTRAMARINES !


Non, pas vous les gars, on vous attend pas avant 28 000 ans !

Pfiou ! Quelle épopée ! J'avoue m'être un peu emballé sur le sujet, mais quand on aime, on ne compte pas ! Avec l'aérien, la mer me passionne ! Faut pas me lancer sur le sujet de l'Amiral Nelson par exemple ! J'attends que Redpaln daigne illustrer ce héros magnifique, d'ailleurs ! Je dis ça, je dis rien. Je suis sûr qu'après avoir épluché cet article, vous aurez envie de rendre hommage à Jean-François de La Pérouse et de ses braves marins. Ne cherchez pas plus loin et cliquez sur la photo ci-dessous ! A plus pour de prochaines aventures et joyeuses fêtes !


Et comme disent les marins, bon vent et bonne mer ! (ou, comme Nelson l'aurait dit "Fair winds and smooth seas" ! Oui, j'en rajoute une couche)


Ody -








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