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CAMERONE, l'ALAMO à LA FRançaise

Cette semaine, je ne vais pas vous parler d'un personnage en particulier, mais d'un événement, dont l'anniversaire approche. C'est pas un événement très fun, mais fichtrement héroïque. C'est notre version à nous d'Alamo (contre le même adversaire, d'ailleurs), à savoir, la Bataille de Camerone.

uN PEu DE CONTEXTE ...

Oui parce que, vous allez me dire : "mais que fichent les français au Mexique à la fin du XIXe ?!"


Le but était de mettre en place un régime (de préférence un souverain européen catholique) qui aurait été favorable aux intérêts français. A l'origine de ce projet : les conservateurs mexicains installés en Europe.


C'est Napoléon III, par l'intermédiaire de l'Impératrice Eugénie, qui se laissera tenter par l'aventure en proposant pour le titre d'Empereur du Mexique, l'Archiduc Maximilien de Habsbourg (qui régnera effectivement, mais pour seulement 3 ans et finira fusillé par un peloton d'exécution ... Merci Napo !).


La situation sur place à l'époque est franchement instable et le pays est criblé de dettes. L'intervention française devient, de fait, "légitime" dans le sens où elle se propose d'établir un gouvernement fort et de rétablir la sécurité dans le pays. Le contexte est favorable et, de 1861 à 1867, la France intervient donc directement, avec un débarquement massif de troupes. Les Etats-Unis, à cette même époque, ont d'autres chats à fouetter, puisque, de 1861 à 1865, ils sont plongés dans leur Guerre Civile (que l'on appelle par chez nous Guerre de Sécession), qui sera suivie d'une période de réunification et de reconstruction particulièrement difficile. Ils laissent donc le champ libre à la France, avec laquelle ils entretiennent, de toute façon, de très bonnes relations.


La Bataille de Puebla, suite plus ou moins directe de celle de Camerone

MON LEGIONNAIRE


Nous sommes le 29 avril 1863. Le Régiment Etranger n'est arrivé au Mexique que depuis un mois environ. Un convoi de ravitaillement français part du port de Veracruz pour Puebla où se tiendra, moins d'une semaine plus tard, une importante bataille.


Mais un tuyau parvient aux oreilles du commandement français : une embuscade du convoi par les troupes mexicaines est fort probable. On décide alors d'envoyer des éléments en reconnaissance. Les 2 premières compagnies sont déjà déployées sur des missions d'escorte, c'est donc à la 3e compagnie que revient la tâche. Ca aurait dû être la 7e compagnie, mais elle avait disparu (comme en témoigne la série de films ...).


Cependant, les officiers supérieurs (ainsi que pas mal d'hommes de troupe) ont chopé la fièvre jaune, ce qui n'est pas super top. Le Capitaine Jean Danjou se porte alors volontaire pour commander la troupe (petit détail, qui n'a aucune importance pour le récit, sa main gauche est une prothèse articulée en bois depuis que son fusil a explosé, 10 ans auparavant). Il sera secondé par le Sous-lieutenant Jean Vilain et tertié (oui oui, j'innove) par le Sous-lieutenant Clément Maudet.


Nos 3 officiers, accompagnés des 62 hommes valides de la 3e compagnie et de deux mules chargées de vivres et de munitions, quittent Chiquihuite à 1h du matin, le 30 avril et prennent la route que doit prendre le convoi.


Notre Fernandel national incarnait le légionnaire ... Fernand dans cette comédie de 1936

vAMOS A LA PLAYA, A MI ME GuSTa BAILA, uNA CERveZA POR FAvOR

Désolé pour cette démonstration pathétique, je voulais introduire l'armée mexicaine dans sa langue maternelle, mais c'est tout ce que je peux aligner comme vocabulaire en espagnol, ce qui n'aide pas beaucoup. Permettez-moi donc de poursuivre en français ...


En face, les embuscadeurs (et pourquoi pas ?), menés par l'expérimenté Colonel Francisco de Paulan Milàn, alignent 1200 fantassins, 500 cavaliers et plus de 300 irréguliers à cheval (les Bandideros).


Oui, vous voyez le rapport de forces ? 2000 contre 65. Pour mémoire, Alamo, c'était 180 texans contre 3000 mexicains.


Soldats mexicains aux alentours de 1860

11 HEuRES DE BATAILLE

Le 30 avril, à 7h du matin, nos légionnaires ont parcouru pas moins de 24 kilomètres, lors d'une marche forcée éprouvante. Ils ont dépassé un groupe de maisons, à l'époque une sorte de lieu-dit, nommé Camàron de Tejeda (voilà, c'est de là que vient le nom francisé "Camerone") et s'arrêtent pour faire chauffer un café. Oui, je suis d'accord, un petit kawa avant de repartir, c'est la moindre des choses !


Sauf que ça ne va pas se passer comme prévu et les mexicains débarquent pour ruiner le petit-déj'. Danjou ordonne le repli vers les maisons : il leur faut du couvert.


Un premier légionnaire est blessé par balle. Sur ces entrefaites, les 300 irréguliers chargent les français. Danjou leur fait adopter une formation défensive en carré. Deux des faces du carré ouvrent le feu simultanément, brisant la charge des Bandideros qui se replient vers les lignes mexicaines.


Depuis le haut d'un talus, plus facilement défendable, les légionnaires repoussent une seconde charge avant de se réfugier dans les ruines d'une hacienda, ce qui leur permettrait, selon les espoirs de Danjou, d'attendre l'arrivée de renforts (le convoi a d'ores et déjà dû partir par le même chemin et ne devrait pas tarder à les rejoindre).


80 ans plus tard, Belmondo portait le képi dans "Les Morfalous" d'Audiard, en compagnie de Jacques Villeret, Michel Creton et Michel Constantin ... Quelle équipe !

Petite parenthèse pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le terme "hacienda". Si, comme moi, vous regardiez Zorro en noir et blanc quand vous étiez petit, vous connaissez déjà ce bâtiment typique. Sinon, voici quelques explications. Une hacienda est un regroupement de différentes constructions, soit contigües, soit séparées (mais beaucoup d'haciendas étaient mixtes), autour d'une cour intérieure, laquelle donne sur la demeure principale. A l'origine, c'est une installation fermière, propriété de riches exploitants.

Ce cher Jean-Claude Van Damme dans le rôle du Légionnaire Duchamp en 1998. Bon, autant dire que ça n'a pas été un grand succès !

Malheureusement, ces deux têtes de mules ... de mules s'enfuient, effrayées par les coups de feu, emportant avec elles les vivres et les munitions. Comme si la situation n'était déjà pas assez pourrie ...


Il ne reste plus qu'à essayer de barricader l'enceinte du mieux possible avec les moyens du bord. Le sergent Morzycki, posté sur le toit, avise très vite les mexicains, qui prennent l'hacienda d'assaut. Les légionnaires perdent rapidement le contrôle de l'étage et d'une partie du rez-de-chaussée.


A 10 heures du matin, les mexicains se rendent maîtres du bâtiment principal et y mettent le feu. Pour les français, la faim et la soif commencent à se faire sentir. Il fait chaud, ils n'ont pas mangé depuis la veille et même le café du matin n'a pas eu le temps de descendre (pour ceux qui ont eu la chance de pouvoir le boire) !


Sommé de se rendre par les mexicains, le Capitaine Danjou répond : "Nous avons des munitions et nous ne nous rendrons pas !". Il lève ensuite la main et jure de se défendre jusqu'à la mort. Il fait prêter le même serment à ses hommes.


La Bataille de Camerone par Jean-Adolphe Beaucé, au musée de la Légion Etrangère

Les troupes de Milàn tentent de s'infiltrer dans la cour par les deux issues principales, ainsi que par une ancienne brèche dans le mur d'enceinte, mais sans succès. Vers midi, le Capitaine Danjou s'effondre, foudroyé d'une balle dans le cœur.


Le Sous-lieutenant Vilain prend alors le commandement, mais il est à son tour fauché par un tir en plein front. Il est 14h et le Sous-lieutenant Maudet se retrouve à la tête des troupes.


A 17h, seuls 12 hommes sont encore en état de se battre. 1h plus tard, ils ne sont plus que 6 hommes valides.


Aux alentours de 18h, Maudet rassemble sa petite équipe. Les fusils sont déchargés et les baïonnettes sont fixées au bout des canons. Les 6 hommes chargent les assaillants. Le légionnaire Victor Catteau fait rempart de son corps pour protéger Maudet. Il succombera sous 19 balles mexicaines. Le Sous-lieutenant sera, lui aussi, atteint de 2 balles.


Après cette charge héroïque, et sous les ordres de son Colonel, le Lieutenant Ramon Laisné (mexicain d'origine française), somme une nouvelle fois les légionnaires de se rendre.

Bon, c'est Brendan Fraser dans "La Momie" (1999), mais c'était un peu cette ambiance là ...

C'est le Caporal Maine, seul gradé encore en état, qui répond en ces termes :


"Nous nous rendrons si vous nous faites la promesse la plus formelle de relever et de soigner notre sous-lieutenant et tous nos camarades atteints, comme lui, de blessures ; si vous nous promettez de nous laisser notre fourniment et nos armes. Enfin, nous nous rendrons, si vous vous engagez à dire à qui voudra l'entendre que, jusqu'au bout, nous avons fait notre devoir. "


La réponse ne se fait pas attendre :


"On ne refuse rien à des hommes comme vous."


Il leur recommandera néanmoins de parler français pour que ses hommes ne les prennent pas pour des espagnols du parti conservateur, qu'ils ne portent pas dans leur cœur.


Les survivants sont amenés devant le Colonel Milàn qui déclarera (en espagnol, évidemment) :


"Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons !"


APRès LA TEMPÊTE


Quand les renforts français arrivent enfin, il ne reste plus que des cadavres dans les ruines calcinées de l'hacienda. Un seul survivant sera retrouvé dans les environs. Il s'agit du tambour de la compagnie, Casimir Laï. Gravement blessé de 7 coups de lance et de deux balles, il avait été pensé mort par les mexicains. Dépouillé de son uniforme et de ses équipements, il avait été mis en fosse commune.


Sauf que les bonhommes à l'époque, c'était pas des gringalets ! Casimir a donc rampé hors de là et a parcouru plusieurs kilomètres en direction de Chiquihuite avant d'être retrouvé par ses pairs. C'est d'ailleurs son rapport qui a permis de faire le premier compte-rendu de la bataille. Notez que Casimir Laï recevra la croix de Chevalier de la Légion d'honneur le 14 août 1863.


2/3 des Légionnaires furent tués ou blessés durant cette bataille. Conformément à la promesse faite au Caporal Philippe Maine, les blessés furent transportés et soignés dans les hôpitaux de Huatusco et Jalapa avant d'être échangés contre des prisonniers mexicains.


Ce jour-là, durant ces 11 heures infernales, 190 soldats mexicains perdront la vie et 300 seront blessés.


Quant au convoi français parti de Veracruz, il arrivera en temps et en heure à Puebla, juste avant le début de la bataille.


On se rappellera aussi de ce film de 1980, qui relate l'Opération Bonite, déclenchée dans le but de libérer des otages aux mains des rebelles du Katanga

RECONNAISSANCE


Par décision du 4 octobre 1863, le général Randon, ministre de la guerre, ordonna l'inscription du nom de Camerone sur le drapeau du régiment étranger. Napoléon III lui-même ordonna que les noms de Danjou, Vilain et Maudet soient gravés sur les murs des Invalides.


Depuis, les militaires mexicains rendent hommage à leurs homologues ainsi qu'aux soldats français en présentant les armes lorsqu'ils passent devant le monument érigé sur les lieux de la bataille. Tous les ans s'y tient une cérémonie en hommage aux combattants des deux bords.


Y figure l'inscription suivante :


"Ils furent ici moins de soixante, opposés à toute une armée. Sa masse les écrasa. La vie plutôt que le courage abandonna ces soldats français à Camerone le 30 avril 1863"


Le monument au Mexique

Les tombes des soldats français sont entretenues par le gouvernement mexicain encore aujourd'hui.


Et je ne peux pas terminer cet article sans citer ici les noms des 65 braves qui établirent "l'esprit de Camerone", à savoir :


Les officiers, capitaine Jean Danjou, sous-lieutenant Clément Maudet et sous-lieutenant Jean Vilain ;


les sous-officiers, sergent-major Henri Tonel, sergents Jean Germeys, Louis Morzycki, Alfred Palmaert et Charles Schaffner ;


les caporaux, Evariste Berg, Adolphe Del Caretto, Amé Favas, Charles Magnin, Louis Maine et André Pinzinger;

le tambour, Casimir Laï ;


les légionnaires, Jean Baas, Aloyse Bernardo, Gustave Bertolotto, Claude Billod, Antoine Bogucki, Félix Brunswick, Nicolas Burgiser, Georges Cathenhusen, Victor Catteau, Laurent Constantin, Constant Dael, François Daglincks, Hartog De Vries, Pierre Dicken, Charles Dubois, Frédéric Friedrich, Frédéric Fritz, Georges Fursbaz, Aloïse Gaertner, Léon Gorski, Louis Groux, Hiller, Emile Hipp, Adolphe Jeannin, Ulrich Konrad, Hippolyte Kuwasseg, Jean Kurz, Félix Langmeier, Frédéric Lemmer, Jean-Baptiste Leonard, Louis Lernoud, Edouard Merlet, Joseph Rerbers, Jean-Guillaume Reuss, Louis Rohr, Hernann Schifer, Joseph Schreiblich, Jean Seffrin, Daniel Seiler, Joseph Sergers, Louis Stoller, Jean-Louis Timmermans, Pharaon Van Del Bulke, Jacques Van Der Meersche, Luitpog Van Opstal, Henricus Vandesavel, Jean-Baptiste Verjus, Geoffroy Wensel, Karl Wittgens et Nicolas Zey.


Le Capitaine Danjou

Voilà, c'est fini. Oui ok, c'est pas tout à fait dans le même ton que d'habitude, mais il est difficile de trouver des jeux de mots stupides dans des récits pareils !


Sur un plan plus personnel, pour moi la Légion, c'est surtout le 2e REP, que j'ai vu sauter en parachute toute ma jeunesse à Calvi, d'abord depuis "la Grise" (le Noratlas - Nord 2501) , puis depuis les Transall, ou encore la fête de Camerone, organisée tous les ans au Camp Raffalli, avec passage de la Patrouille de France.


Accessoirement, l'un de mes deux témoins de mariage est un ami d'enfance qui a fait carrière dans la Légion Etrangère (pendant que moi je faisais de même dans l'Armée de l'air, plus cool, avec des Ray-Ban !). Donc vous voyez, j'ai un attachement tout particulier à cette branche de nos forces armées.


Et si vous voulez rendre hommage à ces héros, vous avez plusieurs solutions : revoir tous les films (et plus si affinités) que j'ai cités en illustration ci-dessus, chanter à tue-tête Mon Légionnaire de Piaf, lever un verre à leur mémoire le 30 avril ou encore vous offrir un tirage de "l'illustrommage" (oui, j'ai inventé pas mal de mots dans cet article) de Redpaln que vous avez vue en tête d'article (et ci-dessous), tout simplement en cliquant sur l'image.


Legio Patria Nostra-ment vôtre,

Votre humble et dévoué serviteur,





- oDY





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